Cinq ans après la tempête Flandres et après Hadewijch, Bruno Dumont revient avec un Hors Satan au croisement des questionnements spiritualistes et formels de Terrence Malick et d’Andreï Tarkovski. Toujours d’une ambition folle – le cinéaste se pique, ici, de filmer un miracle –, Bruno Dumont se fait une place singulière dans une année cinématographique où, avec The Tree of Life et Melancholia, les ténors du septième art font montre d’une préoccupation spiritualiste renouvelée.
L’enchantement vu par Bruno Dumont n’est ni féerique, ni brutal, il n’est pas moral : il est juste l’expression du vertige irrationnel derrière la norme. À son spectateur de faire son choix, si tant est qu’il y ait un choix à faire. Car, encore une fois incarné dans son « gars » sous les traits de David Dewaele, le cinéaste n’a comme seul propos que d’offrir les outils pour appréhender le monde, jamais de le juger, ni de le corriger. Rebouteux mystérieux, ermite et vagabond, le gars n’est jamais que de passage dans la vie de ceux qu’il aide, le temps du film : comme un cinéaste, déterminé à désigner des clés pour comprendre le réel à son auditoire sans jamais les obliger à les saisir. Comme son gars, Bruno Dumont n’est que de passage, comme lui il cache son but véritable sous d’autres mots, d’autres actes : ainsi, le miracle qui constitue le centre névralgique de l’intrigue parait curieusement anodin. Il ne vaut vraiment que par ce qui l’a précédé, ce qui nous y a conduit. C’est, inexplicablement, le chemin parcouru le long d’un minuscule pont de pierre qui offre à l’autre protagoniste, « la fille » (Alexandra Lematre), le pouvoir de changer le monde : peut-être est-ce le chemin parcouru, deux heures durant, en compagnie de Bruno Dumont qui offre à son auditoire les clés du monde. Peut-être a-t-on vu un film-miracle. [https://www.critikat.com/